Problème d'aujourd'hui

Publié le par La-Croix.com

Le Japon tenté de revisiter l'histoire
« La-Croix.com » 060217 : Les Japonais ont du mal à assumer leur passé et surtout leurs défaites de la dernière guerre. Le temple de Yasukuni en est une illustration
L’affaire a pris de l’ampleur le 13 août 2001, lorsque Junichiro Koizumi, élu à la tête du Parti libéral-démocrate (PLD) et devenu premier ministre cinq mois auparavant, se rend pour la première fois en tant que chef de l’exécutif au sanctuaire Yasukuni. En avril 2001, le même Junichiro Koizumi affirmait aux familles de victimes de guerre que, s’il était élu, il se rendrait à Yasukuni le 15 août, jour de la défaite du Japon impérial.
L’Association des familles de victimes de guerre milite depuis longtemps pour la réhabilitation des criminels de guerre. La visite, à quelques jours de la commémoration de la fin de la guerre en Asie, a provoqué la colère des gouvernements chinois et des deux Corées. Depuis, Junichiro Koizumi s’est rendu chaque année au sanctuaire Yasukuni, provoquant une crise sans précédent des relations avec la Chine populaire. En avril 2004, un tribunal de Fukuoka a jugé anticonstitutionnelle la visite de 2001, puisqu’elle viole le principe de séparation entre l’État et la religion.
À quoi ressemble donc, ce temple de Yasukuni, au nord-est du Palais impérial de Tokyo. La foule qui défile dans ce sanctuaire de la discorde entre le Japon et ses voisins chinois et coréens est plutôt pacifique et bon enfant. À mille lieux des rassemblements nationalistes et nostalgiques du 15 août, jour de commémoration des morts et de la défaite du Japon… Les étrangers venus ici par curiosité ne sont l’objet d’aucune agressivité ni d’attention particulière. «Le Japon est un pays pacifique. Nous sommes venus là pour la nouvelle année», explique un jeune couple. Une présence policière importante est là pour rappeler que Yasukuni n’est pas un lieu comme les autres.
Le diable s’y cache dans les détails. Le visiteur attentif découvre des monuments à la mémoire des « victimes » des guerres successives qui ont marqué l’histoire du Japon moderne. Des pièces d’artillerie et des canons servent d’ornements. Un discret bâtiment est dédié à la Kenpeitai, la police secrète de sinistre mémoire, qui sévit pendant les années 1930 et 1940. Autour du tronc des cerisiers du sanctuaire, des pancartes indiquent les coordonnées des unités combattantes qui les ont plantés là. Car Yasukuni est aussi un musée de la guerre à ciel ouvert. Mais une guerre présentée sous des atours romantiques, une guerre sacralisée où le Japon et ses enfants sacrifiés sont présentés comme des victimes pour la gloire d’un empereur et d’une nation indissociables.
La polémique lui assure une fréquentation en hausse
À la droite du sanctuaire, une partie des « fidèles » du Nouvel An se rend au Musée Yushukan, fondé en 1882, qui incarne l’esprit des lieux. À l’entrée, un adolescent, faisant le salut militaire, se fait photographier devant un avion Mitsubishi Zéro de la guerre du Pacifique. Pour 6 €, le visiteur a droit à une histoire du Japon tronquée, revisitée, passée à la moulinette de l’armée et de l’institution impériale. L’archipel est toujours présenté agissant sous la contrainte et la menace des « puissances occidentales colonialistes », n’ayant d’autres choix que d’accepter la logique du conflit à partir de la fin des années 1930 à la suite des « actes terroristes chinois » et de « l’embargo américain. » L’avancée nippone en Asie se fait au nom de la civilisation, de la libération des peuples et de la décolonisation.
Après avoir parcouru la vingtaine de salles, le visiteur est rassuré, presque honteux, comme l’attestent certains témoignages des livres d’or mis à la disposition du public, d’avoir entretenu si longtemps une vision négative de son propre pays. Il repart avec des convictions simples : le Japon est entré malgré lui dans le second conflit mondial, n’a eu de cesse de négocier la paix et a contribué à libérer l’Asie. Ses soldats peuvent être fiers. Mais, encore une fois, les Alliés ne lui ont pas laissé d’autres choix que le combat et le sacrifice. Une fois la guerre déclarée, c’est « l’esprit des samouraïs » qui a repris le dessus, comme le rappelle la première salle, transformant tous les conflits que l’empire «millénaire» du Yamato a traversés en véritables «guerres saintes».
Institution sacrée plus que religieuse, politique plus que populaire, Yasukuni est le gardien des deux grandes forces de la modernité japonaise version Meiji : l’armée et l’institution impériale. À la boutique du musée, on propose aux visiteurs des cartes postales des forces d’autodéfense. Assurément, pour les gardiens de ce temple-ci, la remilitarisation de l’archipel a déjà commencé puisque, pour eux, elle n’a jamais vraiment cessé depuis la fondation en 1869, par l’empereur Meiji, de Yasukuni.
Depuis la fin des années 1970, Yasukuni est régulièrement au cœur de la polémique, lui assurant aujourd’hui une fréquentation en hausse. «Plus de huit millions de visiteurs l’an dernier», précise une brochure. Pour les Chinois et Coréens, l’hommage qui y est rendu aux criminels de guerre est la preuve que le Japon n’a pas tourné la page de son passé militariste. En 1978, une cérémonie discrète a en effet admis dans ce saint des saints les 1 068 criminels de guerre, y compris les 13 de classe A, condamnés par les tribunaux d’après-guerre.
Plusieurs décisions de justice ont été rendues
Les explications données par les prêtres du temple sont dénuées d’ambiguïté : les criminels de guerre ont défendu la patrie et ont été injustement condamnés par « la justice des vainqueurs », victimes de « la partialité » manifeste du tribunal de Tokyo. Pour une partie des Japonais , et notamment les bouddhistes, les visites répétées de la famille impériale et des officiels japonais à Yasukuni violent la Constitution de 1946. Son article 20 stipule à la fois le principe de liberté religieuse mais aussi la notion de séparation de l’État et de toute religion (seikyo bunri). L’article 89 interdit tout soutien financier à des organisations et activités religieuses.
L’ancien premier ministre Yasuhiro Nakasone avait déclenché la polémique en 1985 en se rendant au sanctuaire « en tant que premier ministre », brisant de fait un tabou. Ryutaro Hashimoto avait fait de même en juillet 1996, cinq ans avant l’actuel premier ministre, Junichiro Koizumi.
Depuis qu’il a été élu, Koizumi s’y est rendu chaque année. Pour ce dernier, le Japon doit honorer ses morts et les pays voisins doivent cesser toute ingérence. Plusieurs décisions de justice ont pourtant été rendues, indiquant que les visites d’officiels violent l’article 20 de la Constitution. Mais pour une partie de la classe politique nippone, cette dernière fut imposée après la guerre par l’occupant américain. On retrouve ici la même rhétorique à l’œuvre dans les salles du Musée Yushukan : un Japon qui ne maîtrise pas son destin, se pose en victime et embellit les pages sombres de son histoire, et, ce faisant, évite de faire face à ses responsabilités présentes.
« Les Japonais sont un peuple nostalgique. Ils aiment l’idée du sacrifice et vivent dans le culte des morts », commente, à la sortie du Musée Yushukan, une jeune femme, qui ne semble pas particulièrement captivée par l’esprit du lieu. L’écrivain nationaliste et francophile Eto Jun assurait dans un essai sur Yasukuni que cette vénération des ancêtres expliquait en grande partie l’attachement morbide d’une partie des Japonais à ce lieu.
C’est aussi l’explication que donne Yoshihiko Shimizu, prêtre shinto du temple Kanda Myoji, à quelques encablures de Yasukuni. « Il y a 100 000 temples shintos au Japon et Yasukuni ne représente qu’une facette, limitée, de la diversité de cette religion animiste. » Yoshihiko Shimizu ne veut pas que l’on oublie « le versant populaire du shinto », celui de son temple dont la fondation remonte à la fin du VIIIe siècle, tout en ajoutant que « chaque culture a ses spécificités et qu’honorer les morts fait partie de la culture japonaise ». Mais à Yasukuni, les vivants ont une conception bien singulière du culte des défunts, les privant de la paix et du silence du recueillement pour les exposer au bruit et aux affrontements de la Realpolitik…
Yves BOUFFARE, à TOKYO
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15 août 1945 le Japon capitule
Au début du mois d’août 1945, la puissance de destruction américaine, ajoutée à la fin des espoirs d’une médiation soviétique et à l’urgence de sauver la situation face à l’Armée rouge achèvent le clan nippon. Le 13 août, le front mandchou est rompu. Le lendemain, l’empereur annonce au cabinet sa décision de mettre fin à la guerre, les Américains ayant accepté la proposition du cabinet désirant le maintenir sur le trône. Il annoncera la nouvelle au peuple nippon le 15 août.
Des officiers tentent, dans la journée, de s’emparer des enregistrements du discours impérial et de renverser le gouvernement dans le but de poursuivre la lutte. La mutinerie tourne court et les rebelles se suicident. Le 15 août, à midi, les Japonais peuvent entendre leur empereur déclarer que le Japon s’est décidé à capituler sans condition. Une vague de suicides ravage le gouvernement et le haut commandement. Peu de hauts responsables veulent survivre à la honte de la défaite.

Publié dans chinformat

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Pas mal le blog :)\r\r\rPeur de perdre des points ? Peur de l'amende ? \r\r Visitez donc radar automatique\r\r\r\r @ tres bientot ! Sur radar automatique
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